Le Président de Viouc, pièce valaisanne en six tableaux, met en scène les rivalités de deux partis opposés, celui de Rouviney, le président, et celui du Juge.
Phrosine est la fille du président, et Zéphirin le fils de Baptiste Antille, fidèle allié du Juge. Comme ils s’aiment, cela n’arrange pas la paix du village.
Rouviney aimerait s’adjoindre les fils Antille –trois garçons, dont Zéphirin – en vue d’une coupe pour la construction d’un chalet aux Moyes.
Aujourd’hui, il scie son bois. Baptiste Antille, désirant une réconciliation, lui propose son aide.


Baptiste – Voilà ! (Il plante sa hache dans une bille et se dispose à scier. Coup de scie)
Rouviney – Alors ?
Baptiste – Y demanderaient pas mieux que de travailler, les garçons, même pour l’hiver des élections, mais…
Rouviney – Mais quoi ?
Baptiste – Ambroise et Phorien pensent comme moi, que pour cette coupe, y faut être quatre : deux pour abattre, deux pour ébrancher et débiter. Puis il y a les mauvais couloirs à passer…
Rouviney – Et moi, est-ce que je fais pas le quatrième ?
Baptiste – Non, non, non, toi c’est pas la même chose. Tu es le patron, tu dois avoir l’œil à tout, montrer les plantes à abattre, diriger la coupe… Non, non, non ! Ça va pas… Tu sais bien comment c’est à la commune. On peut pas directionner et travailler en même temps. Bien pour ça qu’Ambroise et Phorien disent qu’y faudrait qu’on ait aussi Zéphirin…
Rouviney – Eh ! bien, il a qu’à aller, ton Zéphirin, après tout ! J’aime mieux le voir là-haut qu’ici !
Baptiste – Justement, mais y veut pas !
Rouviney – Y veut pas ?
Baptiste – Alors, tu comprends, qu’on pourra pas aller pour la coupe.
Rouviney – Ah ! Vous pouvez pas aller ? Toi, alors, tu es plus le maître, tu peux plus commander, maintenant !
Baptiste – Commander, je pourrais bien commander, mais je me sens pas le courage de contre-carrer ce garçon. Il est triste, y parle presque plus, y dépérit comme si on lui avait jeté un sort, et il est comme fou… (coup de scie)
Rouviney – Ah ! Et qu’est-ce qu’il a ?
Baptiste – Comme si tu savais pas !
Rouviney – Bach ! M’embête pas toujours avec des histoires comme ça. S’il a du chagrin, qu’y s’arrange !
Baptiste – Bon, bon, n’en parlons plus ! Mais tu dois bien penser qu’avec un chagrin pareil, on va pas scier des sapins au bord des précipices… N’en parlons plus !
Rouviney – Je savais pas qu’il avait comme ça du chagrin… (coup de scie)
Baptiste – Et pour qui c’est le chalet que tu vas construire aux Moyes ? Pour Phrosine ?
Rouviney – Oui, faut bien prévoir un peu.
Baptiste – Tu penses la marier ?
Rouviney – Pas pour l’instant, non. Mais y faut que je lui amasse un petit bien.
Baptiste – Ah ! (coup de scie)
Rouviney – Et toi, qu’est-ce que tu lui donnerais à Zéphirin, s’il allait se marier ?
Baptiste – S’il allait se marier ! Est-ce qu’on a idée ! Et avec qui, maintenant ? Après ce que tu lui as fait !...
Rouviney – Ça peut quand même venir une fois. On les connaît les chagrins d’amour…
Baptiste – Alors, peut-être le morceau de pré en bas du bisse. C’est petit, mais c’est du joli bien.
Rouviney – Tu pourrais pas lui donner le mayen des Moyes, qui est juste à côté du mien ? Ça ferait un joli carré qu’on verrait depuis l’autre côté de la vallée ? (coup de scie)
Baptiste – C’est pour te moquer que tu dis ça ? D’abord, les Moyes c’est à la femme, et c’est le seul mayen qu’on a
Rouviney – Et nous, Phrosine, c’est pas la seule qu’on a ?
Baptiste – Tu…Tu veux dire que…tu donnerais Phrosine à Zéphirin, à…mon garçon ? Qu’y z’auraient le mayen tout seuls, le tien et le mien ? C’est pas possible, Rouviney ! Je te croyais pire que ça !



L’ombre sur la Fête, pièce en quatre actes, est le destin poursuivant un potentat de village, Pierre-Antoine, qui, oubliant son serment, a abandonné sa fiancée pour épouser une femme plus riche. Aujourd’hui, il veut conclure le mariage de sa fille Madeleine avec Candide.


Pierre-Antoine – À propos, dis-moi, est-ce que tu sais faire un marché ?
Candide – Pardi ! Je m’y connais ! C’est toujours moi qui descends pour les jours de foire !
Pierre-Antoine – Bon ! Alors, il y a de l’espoir. Ainsi, quand tu convoites un joli mulet ou une génisse, qu’est-ce que tu fais ? Tu mets le vendeur dans tes calculs, pour qu’il t’en augmente le prix ?
Candide – Ah ! jamais ! Je fais comme ça : je m’approche, je fais une petite moue de curiosité relevée d’un brin d’indifférence, je jette un prix, et je fais mine de m’en aller. Et c’est alors le vendeur qui me rappelle.
Pierre-Antoine – Très bien. Je n’ai pas fait mieux lorsque j’ai acheté « Brunette » qui sera la reine du troupeau à l’alpage d’ici quelques jours.
Candide – Ah ! vous aurez la reine ?
Pierre-Antoine – Je l’ai achetée pour une bouchée de pain. Quand je dis que j’aurai la reine, c’est pas très sûr. Peut-être que ton père tiendra encore le coup avec « Marquise ».
Candide – Vous croyez ?
Pierre-Antoine – Faudra voir. Donc, quand j’ai acheté « Brunette », j’ai dû finasser, mentir presque, à force de montrer que je n’y tenais pas, mais pas du tout. Pour finir, c’est le vendeur qui m’a prié de la prendre. Ainsi en va-t-il avec ce que tu désires en ce moment, mon cher Candide, si j’ose cette comparaison.
Candide – De quoi parlez-vous, Président ?
Pierre-Antoine – Allons ! ne fais pas l’âne pour avoir du chardon ! Crois-tu que je sois aveugle et sourd ? Seulement avec une femme, il faut laisser un peu de bride, tu comprends ? Ne fais pas voir que tu exiges l’exécution d’une promesse comme un maquignon qui attend le prix de son marché.
Candide – Ah ! je vois, vous voulez parler de…
Pierre-Antoine – Oui, je parle de… parce que ce de… c’est un peu mon affaire, je ne voudrais pas te la voir gâcher. Ce serait dommage pour tous.
Candide – Il y a deux ans qu’elle a promis d’être ma femme. Je me suis toujours comporté envers Madeleine comme si elle était libre. […] Mais elle n’aura pas de peine à trouver plus jeune et plus beau que moi.
Pierre-Antoine – Allons ! on ne parle pas de beauté quand on a des « possessions ». Le « bien » fait toujours passer les désirs de ceux qui savent se montrer patients...et habiles.

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